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Cette actualité juridique a été rédigée conjointement par Me Yasmine SABETI LANGE, LL.M., avocate associée Sabeti-Legal à Zurich, et Me Olivier RIVOIRE, LL.M., avocat associé à l’Etude BORY & ASSOCIES à Genève.

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Instruments d’Enforcement – FINMA, droit de la surveillance et blanchiment d’argent   

Durant ces derniers mois, la presse s’est faite l’écho de décisions de la FINMA prises à l’encontre d’établissements bancaires suisses et de leurs dirigeants, notamment en lien avec plusieurs affaires de blanchiment d’argent.

Droit de la surveillance des marchés financiers 

En tant que praticiens, ces récentes décisions nous donnent l’occasion d’expliquer, dans les grandes lignes, les principaux instruments d’enforcement dont dispose la FINMA pour faire appliquer le droit de la surveillance des marchés financiers. 

On rappellera que le droit de la surveillance vise à protéger les créanciers, les assurés et les investisseurs, ainsi qu’à assurer la loyauté et la stabilité du système financier suisse. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la FINMA n’est pas une autorité de poursuite pénale. 

A noter que les mesures ci-dessous à disposition de la FINMA peuvent être cumulées, en fonction de chaque situation donnée. Ces mesures peuvent, en principe, faire l’objet d’un recours, sous réserve de certains cas urgents spécifiques. Elles sont détaillées, ci-dessous, de la moins pénalisante, à la plus incisive : 

Décision en constatation : le blâme

Il s’agit de la mesure la moins incisive que la FINMA est en droit de prendre à l’encontre d’un établissement, ou d’un banquier occupant une fonction dirigeante, soumis à sa surveillance. La FINMA prend une telle mesure lorsque l’assujetti a gravement enfreint le droit de la surveillance, tout en considérant dans le même temps qu’aucune mesure de rétablissement de l’ordre légal ne doit être prise, notamment si l’établissement concerné a d’ores et déjà pris les mesures correctives requises lors de la procédure d’enforcement.

Cette catégorie de sanction poursuit un but avant tout préventif visant à éviter que les faits reprochés ne se reproduisent à l’avenir.

A noter que c’est cette sanction que la FINMA a récemment prise à l’encontre d’un ancien dirigeant d’un établissement bancaire dont il est question en tête de la présente actualité.

Rétablissement de l’ordre légal 

Lorsque la FINMA constate qu’un établissement soumis à sa surveillance enfreint le droit de la surveillance, elle prend les mesures nécessaires pour que les infractions constatées soient corrigées. La FINMA dispose dans ce cadre d’une marge de manœuvre importante. Contrairement aux autres mesures dont il est question dans la présente actualité, la FINMA fera rétablir l’ordre légal même si elle n’a pas constaté de violation grave du droit de la surveillance. 

A titre d’exemples de rétablissement de l’ordre légal, la FINMA peut demander à une entreprise assujettie de modifier la composition de son conseil d’administration, de limiter le champ de ses activités, de façon permanente ou temporaire, ou d’interdire toute nouvelle acquisition (« asset deal » ou « share deal ») pendant un temps limité.

Publication d’une décision par la FINMA

Une fois que la décision de la FINMA constatant une violation grave du droit de la surveillance est entrée en force, c’est-à-dire lorsque les voies de recours contre la décision initiale ont été épuisées sans succès, celle-ci peut être publiée, y compris les noms des personnes physiques impliquées dans le dossier. La FINMA tient à jour une liste de ces personnes sur son site internet (https://www.finma.ch/fr/mise-en-oeuvre/instruments-d-enforcement/publication-de-la-decision-finale/). La grande majorité des personnes concernées est celle qui exerçait sans droit une activité soumise à autorisation de la FINMA.

Confiscation des gains acquis ou des pertes évitées 

Cette mesure peut concerner tant des établissements surveillés par la FINMA que les dirigeants de ces établissements qui auraient gravement violé le droit de la surveillance. 

Le montant exact du gain acquis, ou des pertes évitées, étant souvent compliqué à calculer, ou demanderait des moyens disproportionnés pour ce faire, la FINMA peut procéder par estimation. Le droit à la confiscation se prescrit par sept ans.

C’est ainsi qu’une banque tessinoise a fait l’objet d’une décision de confiscation à hauteur d’environ 70 millions par la FINMA en octobre 2020. 

A relever que la législation en vigueur ne permet pas à la FINMA de condamner les assujettis et ses dirigeants au paiement d’une amende.

Nomination d’un chargé d’enquête externe à la FINMA

Le chargé d’enquête est externe à la FINMA, spécialisé dans le droit de la surveillance prudentielle. Il est mandaté par la FINMA pour élucider un fait relevant de la surveillance ou pour s’assurer de la bonne mise en œuvre d’une décision prise par la FINMA à l’encontre d’un établissement.

Les pouvoirs du chargé d’enquête sont déterminés par la FINMA en fonction de chaque cas d’espèce. Ils peuvent être assez larges, le chargé d’enquête pouvant dans certains cas agir à la place des organes compétents.

Le chargé d’enquête est rémunéré par l’établissement qui fait l’objet de la mesure d’enforcement prise par la FINMA. Les coûts du chargé d’enquête pouvant s’élever à plusieurs centaines de milliers de francs, il s’agit d’un instrument relativement efficace frappant l’assujetti au porte-monnaie. 

Interdiction d’exercer une fonction dirigeante 

Cette mesure est lourde de conséquences pour la personne à l’encontre de laquelle elle est prononcée. La FINMA peut par ce moyen interdire à quiconque ayant gravement violé le droit de la surveillance d’occuper une fonction dirigeante dans un établissement soumis à sa surveillance. Cette interdiction peut être de cinq ans au plus.

Cette mesure est à ne pas confondre avec la « lettre concernant la garantie d’une activité irréprochable » que la FINMA adresse à certaines personnes physiques. Une telle lettre ne constitue pas une interdiction d’exercer, mais oblige la personne l’ayant reçue de faire vérifier par la FINMA sa garantie d’activité irréprochable avant d’occuper une fonction dirigeante auprès d’un établissement soumis à surveillance prudentielle. Dans la réalité des faits, elle correspond souvent à une interdiction d’exercer. 

Interdiction de pratiquer à l’encontre de collaborateurs 

Dans le sillage de l’entrée en vigueur de la LSFin et de la LEFin, la FINMA peut interdire à chaque collaborateur d’une entreprise assujettie de pratiquer une activité de négociation d’instruments financiers ou de conseil à la clientèle si cette personne a gravement violé le droit de la surveillance, ainsi que la règlementation interne de son employeur soumis à la surveillance de la FINMA. 

En fonction de la gravité des faits et de leur récidive éventuelle, une telle interdiction peut être temporaire ou être prononcée pour une durée indéterminée.

Retrait de l’autorisation d’exercer pour un assujetti 

Il s’agit de la mesure la plus incisive dont la FINMA n’use qu’avec prudence et proportionnalité, lorsque les conditions d’autorisation ne sont plus remplies ou si l’établissement concerné viole gravement le droit de la surveillance.

Il est alors procédé à la liquidation de l’établissement. A noter que si un établissement est insolvable ou surendetté, la FINMA ouvre alors une procédure de faillite confiée à un liquidateur externe et procède immédiatement aux publications requises.

La mesure de liquidation peut être également prise à l’encontre d’une société exerçant sans droit une activité soumise à autorisation.

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La présente actualité juridique est fournie à titre informatif uniquement et ne constitue pas un avis juridique ou financier donné par ses auteurs qui déclinent toute responsabilité. Nous vous conseillons volontiers en lien avec un cas déterminé.